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grande Loge de France

Inauguration du Temple Pierre Brossolette – Grande Loge de France – GLDF, le 25 juin 2014

 

Discours du Grand-Maître Marc Henri sur Pierre Brossolette

 

 

Les frères sont toujours surprenants, ils vous réservent de ces surprises inattendues. S’il y avait bien une chose à laquelle je ne pensais pas c’était bien celle-là, parce que certes on a la même date de naissance, en tout cas le même jour, mais entre les deux personnages, il n’y a pas photo : il y en a un très grand, c’est Pierre Brossolette, et un tout petit, c’est moi, mais c’est ainsi.

Oui, Pierre Brossolette, pour nous exemplaire, maître maçon exemplaire, un homme de caractère comme on peut l’imaginer, forcément, maître maçon exemplaire j’en dirai peut être quelques mots à la fin de la cérémonie mais un homme d’une certaine trempe, on connaît tous ses échanges avec Jean Moulin, on sait qu’avec le général de Gaulle il n’y allait pas avec des pincettes si vous me pardonnez l’expression, et pourtant il y a un aspect de Pierre Brossolette qu’on connaît peu, c’est lorsqu’il va partir à Troyes justement, pour rejoindre la loge du Grand Orient de France à laquelle il va s’affilier, et il a avant de partir une tenue dans la loge à laquelle il appartient à la Grande Loge de France, Emile Zola, et il va écrire une lettre à son vénérable, vous en trouverez l’original dans une des vitrines qui est dans l’atrium de la Grande Loge, alors je vais vous la lire, parce que vous allez voir de quelle manière cet homme-là, tel que nous le voyons aujourd’hui, avec le regard que nous portons sur lui, écrit à son président, à son vénérable maître :

 

Mon cher Vénérable Maître

Je suis forcé de partir ce soir pour Troyes, afin de commencer la campagne électorale. Je ne pourrai donc pas, à mon grand regret, participer ce soir aux travaux de notre cher et respectable atelier. Voudriez-vous être assez bon pour m’excuser auprès de nos frères, pour qui je vous charge si vous le voulez bien de mes fraternelles amitiés. Je vous en serai très reconnaissant. Et aussi m’excuser vous-même en songeant que je serai avec vous par la pensée. J’irai d’ailleurs vous voir un soir à l’Evènement pour vous demander quelques conseils.

A bientôt donc mon cher Vénérable, et très fraternellement à vous.

Et il signe Pierre Brossolette.

Et puis il y a un petit post-scriptum, et cela va vous montrer que cet homme-là était exceptionnel, en tout cas les sœurs et les frères ici présents verront à quoi je fais allusion, le post-scriptum est le suivant :

Ci-joint l’obole traditionnelle.

 

Et je peux vous dire que cela n’est pas aussi fréquent que cela. Parfait, dans tous les sens du mot. Alors je vais m’effacer devant sa mémoire, et puis notre Vénérable de ce soir, notre président de ce soir va pourvoir continuer d’évoquer pour nous tous Pierre Brossolette.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion de la cérémonie

Pourquoi j’ai choisi ? Est-ce que j’ai choisi, d’abord ? L’idée de donner un nom à ce grand temple n’est pas récente, ça fait quelques années qu’on se pose la question, mais on n’a pas l’habitude à la Grande Loge, contrairement à d’autres obédience de donner des noms à nos temples. Mais il y a celui de l’étage d’en dessous, celui qui était le rez-de-chaussée de cette chapelle à l’origine, et qui s’appelle Franklin Roosevelt. Franklin Roosevelt, parce que pendant cette seconde guerre mondiale, ou plutôt lorsque les américains sont arrivés ici, et bien les frères américains avaient demandé à leur frères de la Grande Loge s’ils pouvaient leur prêter des temples pour continuer leur travaux pendant qu’ils séjournaient à paris. Et c’est ce que les frères de la Grande Loge ont fait, ils ont ouvert leurs portes à leurs frères américains, c’est grâce à eux que cette chapelle a pu être divisée en deux parties, et que donc restait cette partie haute de la chapelle de ce couvent d’origine, et qui n’avait pas de nom. Premier temple nommé, c’est le Franklin Roosevelt. Le second temple nommé, et là aussi vous allez voir que ça n’est pas rien comme figure tutélaire, c’est celui qui est au rez-de–chaussée, dans un couloir, mais qui porte le nom de la loge de recherche de la Grande Loge de France, Marquis de Lafayette. Parce que Lafayette, on a un très joli document, que l’un de mes prédécesseurs d’ailleurs montrait tout à l’heure à vous madame, la loge des 3 jours, monsieur de Lafayette en 1ère ligne, député, avec sa signature.

Alors tout ça c’est un nuage on dirait aujourd’hui, c’est un environnement, dans lequel baigne cette maison, Grande Loge de France. Je pourrais ajouter le livre d’architecture de la toute première Grande Loge, celle du 18ème siècle qui, après la terreur, reprend ses travaux, en 1795, en octobre 1795, nous avons la page, nous avons même le livre entier, et qu’est-ce qu’on y trouve, trois mots : Liberté ∴ Égalité ∴ Fraternité ∴ C’étaient bien des Francs-Maçons qui l’avaient écrit. Liberté – Égalité – Fraternité, ça reste notre devise, c’est celle de la République aujourd’hui, mais nous la rappelons à chacune de nos réunions, elle fait partie depuis plus d’un siècle maintenant de notre devise, elles commencent par d’autre mots, mais elles se terminent toujours par Liberté – Égalité – Fraternité.

Alors quel nom allions nous donner, s’il fallait en donner un, à cet endroit si particulier qui était avant… qu’on appelait la chapelle, le grand temple ? Je crois avoir entendu Alain Graesel, une fois alors qu’il était Grand Maître, se dire, on était dans le parvis, là-bas : « Ha, s’il fallait donner un nom à ce grand temple… Brossolette ». Alors sans doute l’idée a fait son chemin, a mûri, mais ça prend du temps chez nous à mûrir les idées, c’est peut-être pour ça qu’on n’a pas été aussi vite qu’on aurait pu l’imaginer et lui rendre à temps l‘hommage qu’il méritait depuis toujours, c’est peut être aussi, il y a encore d’autres hypothèses parce que les frères qui nous ont précédé, alors il y a eu ceux qui ont vécu cette guerre, d’ailleurs quand vous descendrez l’escalier de ce grand temple, bientôt Pierre Brossolette dans quelques minutes, vous verrez les noms de ceux qui ont subi les assauts de la Gestapo et des nazis, c’est notre mur de la mémoire à nous, alors peut-être que pendant des années il ne fallait pas parler de cette période-là, c’est la raison qui a été évoquée tout à l’heure, et peut-être qu’ensuite les frères ont eu quelques difficultés à s’approprier Pierre Brossolette, parce que c’est facile de se réclamer d’un homme comme ça, peut-être qu’ils n’ont pas osé le faire, ou qu’ils ne voulaient pas qu’on pense que c’était une forme de récupération. Alors ils n’ont rien fait, ils n’ont rien dit, et moi je suis un Grand Maître très heureux, parce que comme mes frères d’avant n’ont rien fait, ou l’ont pensé mais sans le dire, et sans le mettre en action, j’ai eu le double bonheur, à peine élu de pouvoir nommer Hubert Germain Grand Maître Honoris Causa de la Grande Loge de France, lui non plus on n’y avait pas pensé, à ce compagnon de la Libération là, à toute cette histoire, alors lui est sorti vivant de la catastrophe, mais qu’est-ce qu’il a mené comme combats… Si vous aviez pu être avec nous, le jour où nous lui avons remis, ho dans la salle du conseil car il ne voulait pas non plus que ce soit une grand cérémonie, l’ami Hubert, ses décors de Grand Maître Honoris Causa, il nous a raconté l’épreuve de l’eau dans le désert, nous étions tous sous la table, car on y était dans le désert, avec lui, à travers ses propos. Et voilà, c’est comme ça dans cette maison, on a la chance d’avoir eu des frères de cette trempe-là, et c’est pourquoi devant eux, on ne peut que s’incliner, et se sentir tout petit, ce que je disais au début de mon propos de tout à l’heure, ils ont eu, le malheur pour Pierre Brossolette de devoir finir sa vie comme il l’a terminée, la chance peut-être pour Hubert de sortir de la guerre vivant, d’autres encore comme un autre Grand Maître Honoris Causa de la Grande Loge de France, Jules Sébastianelli que nous avons accompagné dans sa dernière demeure avant-hier, lui aussi résistant dans le midi ; et Pierre Brossolette finalement, il rend hommage de par son propre sacrifice à tous ceux dont tous les noms seront oubliés demain mais qui ont fait exactement le même cheminement, peut-être pas avec le même engagement, peut-être pas avec la même flamboyance, cette armée des ombres qui ont aussi, pour beaucoup, perdu la vie, et dans des conditions que nous connaissons parfois terribles, alors ben oui c’était le moment, sans doute, et j’ai eu la chance d’être à ce moment-là, d’être à la tête de cette maison, de réaliser ce que mes prédécesseurs avaient imaginé, qui a muri lentement, très lentement, et je voudrais remercier à ce propos, ben le Conseil fédéral d’abord, parce que j’ai proposé mais le Conseil Fédéral a voté, il a voté à l’unanimité, que nous donnerions à ce grand temple le nom de Pierre Brossolette, remercié ensuite toutes les loges de la Grande Loge, parce qu’évidemment c’est à elles aussi qu’il fallait poser la question, de donner ce nom précis à ce grand temple, et c’est ce que nous avons fait à la tenue de Grande Loge du mois de décembre dernier, unanimité des 850 loges pour que ce grand temple porte ce nom et puis, ceci étant obtenu, et bien il fallait se tourner vers sa famille, et de vous demander à vous, de nous autoriser nous, à donner ce nom, à ce que nous avions de plus grand pour ce grand cœur là, à ce que nous avions de plus beau pour cette belle âme là, et alors merci, merci à vous de nous avoir permis de réaliser cet impossible rêve, dans quelques minutes ce sera fait, et merci à vous d’être venus avec nous nous accompagner dans ce témoignage d’amour à ce frère exceptionnel, à ce maître maçon exceptionnel, parce que s’il y a eu quelques révélations de quelques secrets maçonnique tout à l’heure, et bien je vais vous en faire un de plus, et ce sera le dernier, lorsqu’on arrive à la maîtrise, dans une loge bleue, et bien il y a un rituel, il y a quelqu’un de très important qui refuse de donner ses secrets, et il se fait assassiner. Évidemment là c’est une légende, un mythe, une histoire, Brossolette lui, c’est la vraie vie. Et il est allé au bout du sacrifice. Et à lui seul il résume merveilleusement cette phrase du rituel, la seule que je vous citerai : « Ainsi périt l’homme juste, victime du devoir, jusqu’à la mort ».

Et bien pour nous il restera je crois pour toujours un maître maçon exemplaire, ce vers quoi nous devrions tendre, et ce que nous devrions être prêts, peut-être, à faire s’il fallait le refaire, aller jusqu’au bout du sacrifice. Alors merci à tous, et merci à lui avant toute chose. Merci à vous.