Biographie de Gilberte Brossolette
Gilberte Brossolette, née Bruel, est née le , au 24 rue Vaneau, dans le 7ème arrondissement à Paris. Son père était Gilbert Bruel, directeur de banque d’origine forézienne et sa mère Marie-Thèrese Deromas d’une famille de Blaye (Gironde), qui au début du siècle avait des vignobles à Mazerolles.
Elle a suivi ses études secondaires à l’Institut Sainte-Clotilde, où elle a passé son baccalauréat. C’est sur les bancs de la Sorbonne en 1923, où elle préparait sa licence d’Histoire et de Géographie, que Gilberte rencontre à 17 ans le normalien Pierre Brossolette, qui lui avait vingt ans. Louis Joxe avait fait remarquer à son ami Pierre une très jolie jeune fille aux cheveux auburn et aux yeux verts… Et c’est ainsi que Pierre Brossolette décide de lui faire la cour.
Ils se fianceront en 1925.
Ils se marient en 1926.
Le couple aura deux enfants: Anne en 1927 et Claude en 1928.
Pendant les années 30, en plus de son métier de journaliste et commentateur de politique étrangère à la radio, son mari est devenu militant socialiste et responsable du secrétariat de la Fédération Socialiste de l’Aube. Pendant de longues journées Gilberte organisait avec lui le bureau et l’aidait avec les tâches d’intendance.
Ci-dessous, lors d’une cure à Vichy en 1938:
Résistance
Après l’armistice, son mari est démobilisé dès l’automne 1940. Contraint de cesser sa profession de journaliste, les époux Brossolette reprennent une librairie-papeterie, spécialisée en littérature russe au 89 rue de la Pompe, qui sert de lieu de rencontre et de «boîte à lettres» pour la Résistance. Gilberte Brossolette seconde son mari dans l’organisation des réunions secrètes pour mettre en place la Résistance à Paris et effectue des envois de courrier clandestin.
À la suite de deux perquisitions successives effectuées par les autorités françaises et allemandes à son domicile en mai 1942 qui l’obligèrent à chercher son fils dans l’enceinte même de la Gestapo, Pierre et Gilberte décident que la famille doit de gagner Londres en juillet 1942.
Pierre Brossolette leur fait franchir la ligne de démarcation en juillet 1942, puis les fait embarquer aux calanques de Cassis vers Gibraltar en felouque et ils parviennent finalement à Londres en septembre sur un convoi de 36 navires revenant de Malte et à destination de Glasgow.
France Libre
À Londres, Gilberte assure la liaison entre le Commissariat à l’Intérieur de la France libre et la BBC, ainsi que l’accueil et l’évaluation de français engagés dans France Libre. Son activité durant cette période lui vaudra la médaille de la Résistance.
Suite au décès de son mari en mars 1944, Gilberte rentre en France. Dès son retour, elle est chargée de la direction des émissions féminines à la Radiodiffusion française, puis devient rédacteur en chef adjoint.
Elle participe à l’hommage aux « Morts la Résistance », avec l’inauguration de la rue Pierre Brossolette dans le 5ème arrondissement de Paris, en octobre 1944.
Vie politique
En juin 1942, le général de Gaulle avait affirmé que «tous les hommes et toutes les femmes éliront l’Assemblée nationale». Par la suite, l’Assemblée consultative provisoire d’Alger réunie à Paris adopte le et instaure le vote des femmes à travers l’ordonnance du 21 avril 1944.
Elle est nommée à l’Assemblée consultative provisoire du 7 novembre 1944 à octobre 1945 comme membre du groupe de la Résistance extra-métropolitaine présidé par Claude Hettier de Boislambert à la nomination de De Gaulle. Elle appartient alors aux Commissions de la jeunesse et des sports, de l’intérieur, et du travail et des affaires sociales. Siègent à cette Assemblée 16 femmes parmi les délégués, dont Gilberte Brossolette, Marie-Hélène Lefaucheux, Marie-Claude Vaillant-Couturier et Lucie Aubrac.
Le général de Gaulle lui a écrit une lettre en mars 1945 pour le premier anniversaire de la mort de son mari. Pour lire la lettre, clique ici.
Les premières élections qui permettent aux femmes de voter et d’être candidates se déroulent les 29 avril et 13 mai 1945, les premières municipales d’après-guerre. Ci-dessous, Gilberte Brossolette participe au premier vote des femmes le 29 avril 1945.
Pour voir le vidéo de l’INA concernant le premier vote des femmes en 1945, veuillez cliquer ici.
Gilberte Brossolette est candidate en 2e position sur la liste présentée par la SFIO dans le 4e secteur de la Seine à la seconde Constituante. Cette liste a deux élus, avec 81 674 suffrages sur 377 267 exprimés, dont Gilberte Brossolette, qui est élue à la plus forte moyenne.
Elle siège alors aux Commissions de la famille, et de la presse, et intervient dans la discussion sur l’extension aux élections législatives prévues pour 1946 des inéligibilités retenues en 1945 pour l’élection aux Constituantes. Elle demande alors sans succès que les porteurs de la Francisque soient inéligibles.
En janvier 1946, un article lui est consacré sur la revue « Life Magazine »: Gilberte Brossolette – Heroine of the french underground », par le photographe Walter Sanders:
Après l’adoption de la Constitution de la IVe République, elle est nommée au Conseil de la République (nom du Sénat) en décembre 1946 par l’Assemblée nationale pour représenter le groupe socialiste puis, tête de liste SFIO pour le département de la Seine, elle élue sénatrice en novembre 1948 et réélue en mai 1952.
Ci-dessous , Gilberte Brossolette et Daniel Mayer:
De 1946 à 1954, elle est élue vice-président du Sénat (par 213 voix sur 231) et aura été la première femme à présider une séance du Sénat.
Membre du groupe de la SFIO, elle siège aux Commissions des affaires étrangères et de la presse. Ses interventions publiques portent pour l’essentiel sur les affaires étrangères : traité de paix avec l’Italie, accords franco-polonais du 19 mars 1948, statut du Conseil de l’Europe, politique étrangère de la France, communauté européenne du charbon et de l’acier. Elle intervient également sur les budgets de la radiodiffusion télévision française pour 1955 et 1956, ainsi que sur l’hébergement en France des réfugiés hongrois en décembre 1956, la protection des enfants contre l’alcoolisme, et les travailleuses familiales.
Gilberte Brossolette a été nommée, de juillet à décembre 1952, membre suppléant à l’Assemblée consultative du Conseil de l’Europe.
Elle est élue conseillère de Montrouge lors des élections municipales de 1953. Les 2 et 3 juin 1958, elle vote contre les pleins pouvoirs à De Gaulle et contre la révision constitutionnelle.
Lors de la préparation des listes pour les élections sénatoriales de juin 1958, les deux sénateurs sortants du département de la Seine étant placés par la SFIO à un rang difficilement éligible, Henri Barré et elle décident de ne pas se représenter.
© Sophie Bassouls/Sygma/Corbis
Journaliste
Après avoir quitté le Sénat, elle reprend son activité de journaliste à l’ORTF et tient une chronique de politique étrangère.
En 1973, elle écrit un livre sur la vie de Pierre Brossolette, ses souvenirs, leur vie commune, l’entre-deux guerres, la Résistance et Londres. Son livre « Il s’appelait Pierre Brossolette » a reçut le Prix Femina-Vacaresco en 1976.
« Il s’appelait Pierre Brossolette« , pourquoi elle a voulu écrire ce livre, son mari était recherché par toutes les polices allemandes, le poison que cachait les résistants dans leur chevalières. Raconte l’intensité de cette période, comment elle l’a rencontré, ses doutes sur le mort de son mari, la difficulté d’annoncer la nouvelle à ses enfants. L’engagement politique de son mari, comment elle a vécu le fait d’être la femme de Pierre BROSSOLETTE, comment s’est organisé la résistance, l’incinération de son époux, le témoignage qu’elle veut laisser aux jeunes générations. »
En avril 1976, Gilberte Brossolette lors d’un entretien avec Jacques CHANCEL sur France Inter raconte Pierre Brossolette. Pour l’écouter, cliquer sur le lien suivant:
ou cliquez sur le audio suivant:
Sa dernière interview pour Le Monde du 9 mars 2001, à 95 ans, par Annick Cojean
Elle a vécu toute l’histoire politique du siècle, et fut, après la Libération, la première Française à présider les séances du Sénat : Gilberte Brossolette n’est pas favorable à la parité, mais trouve que les femmes doivent s’engager toujours plus dans les instances de pouvoir. Elle n’était guère favorable à la parité, la vieille dame de Recloses, qui, avec son si joli sourire dans un visage très fin, entouré de cheveux neigeux, exprime encore de la passion pour la marche du monde. Elle était même choquée, et le ton de sa voix dit assez combien le sujet l’a touchée, elle qui, élue au Parlement juste après la Libération, fut la première Française à présider les séances du Sénat.
Sa grande maison de pierre est élégante et chaleureuse. Les fenêtres du salon donnent sur la forêt des environs de Fontainebleau, encadrées par des rideaux à fleurs. Un feu est préparé dans la cheminée surmontée de petites sculptures de bronze cambodgiennes. Et le long du mur blanc, une bibliothèque hétéroclite indique que la maîtresse des lieux est liseuse. Ou le fut. Car sa vue s’est récemment très dégradée. Un drame pour celle qui, avant guerre, faisait avec son mari, Pierre Brossolette, des « concours de lecture » et qui, attentive à la littérature et à la politique, dévorait et décortiquait chaque jour la presse. Plus que jamais attentive à la radio et à la télévision, elle se fait cependant lire chaque jour quelques articles, et puis des livres. Récemment, le dernier ouvrage de Valéry Giscard d’Estaing, celui de Claude Allègre, une biographie de Mussolini… Gilberte Brossolette, quatre-vingt-quinze ans, garde l’âme curieuse, volontaire et ardente. « Ce mot de parité… L’idée d’obligation, d’astreinte pour passer en force… Je ne pense pas que la classe politique française se prête de bonne grâce à cet oukaze. Ce n’est ni plaisant sur le papier ni applicable de façon équitable et honnête. Le sexe ne devrait pas être un critère dans la composition d’une liste. Il y a quantité de femmes intelligentes et quantité d’idiotes ! En aucun cas la femme, être humain pensant, ne doit être traitée comme une marchandise. J’aurais préféré qu’on «incite», plutôt qu’on ordonne. Qu’on provoque chez les femmes le «désir» de s’engager, plutôt que des recrutements à la hussarde… Mais quelle bombe, dans ce milieu si misogyne ! Cela promet d’être très, très intéressant. » Car enfin, admet-elle, cette sous-représentation des femmes avait tout de même quelque chose d’affligeant. Et la place de la France, en queue de classement des pays européens, de quoi laisser perplexe. « Toujours ce complexe de supériorité des hommes ! Et toujours cette férocité à l’égard des femmes qui se remuent, dérangent, et auxquelles ils ne pardonnent rien ! »
Gilberte Brossolette a vécu avec intensité l’histoire du XXe siècle : la première guerre dont elle se rappelle les alertes qui faisaient courir sa famille parisienne à la cave ; le Front populaire qu’elle soutenait avec autant de ferveur que son mari, intellectuel et journaliste, militant à la SFIO ; la guerre et la Résistance dans laquelle tous deux s’engagèrent et dont Pierre Brossolette, qui se donna la mort pour échapper aux bourreaux de la Gestapo qui tentaient de lui arracher ses secrets, reste l’un des héros ; la Libération, puis la IVe République en tant que sénatrice, mai 68 en tant que journaliste radio, et mai 81… Elle a vécu aussi, de très près, le vote des femmes et leur irruption sur la scène politique. On partait de si loin… «Le débat sur l’attribution du droit de vote aux femmes fut amorcé après la première guerre, après cette hécatombe horrible dans laquelle les femmes durent suppléer les hommes dans les tâches de production et de responsabilité. Les Allemandes et les Britanniques l’ont obtenu immédiatement. En France, ce fut une autre affaire ! Pendant des années le Sénat a fait de l’obstruction. Ah oui, les sénateurs ont été en dessous de tout ! Si vous saviez les arguments ! Les références aux prostituées et aux bordels, les sous-entendus scabreux et désagréables ! Le vote des femmes était dans le programme socialiste mais Léon Blum, archétype de l’honnête homme, n’aurait pas trouvé de majorité sur le sujet. Il a fait ce qu’il a pu, et nommé trois femmes dans son gouvernement. C’était déjà une première !»
A l’époque, se souvient la dame de Recloses, les femmes, hormis les suffragettes, ne manifestaient guère de passion pour la politique. Elles ne se rendaient que très peu dans les meetings, «découragées de toute façon par leurs pères, maris, frères ou amants, tous antiféministes». Et convaincues que leur pouvoir d’influence, dans l’ombre, n’était pas négligeable. «Des féministes m’avaient demandé de travailler avec elles, dans les années 1930 et j’avais refusé. Leurs revendications me paraissaient aller de soi, mais sans leur propagande. Mère de famille, je me contentais alors d’aider autant que possible mon mari qui cherchait à être élu dans l’Aube. J’étais son chauffeur, sa secrétaire, son livreur de prospectus et de bulletins.» Une épouse «formée» malgré tout à la politique entre son beau-père, Léon Brossolette, républicain et radical, combattant infatigable de la «laïque», et Pierre qui, collaborant au Quotidien, à Notre Temps, au Populaire, à Marianne et à la radio nationale, fréquentait intellectuels et politiques de l’époque.
Il y eut la guerre, le ralliement à la «France libre», le voyage à Londres où Gilberte travailla notamment pour la BBC tandis que son mari, connu sous le nom de «Brumaire», effectua en France des missions dangereuses avant son arrestation et sa mort en mars 1944. «C’est pendant l’Occupation que les mentalités ont changé, et c’est dans la Résistance que les femmes ont gagné le droit de voter et d’être élues. Elles avaient montré leur courage, pris des risques fous, reçu les clandestins, assuré la transmission des messages. Et pas une n’a parlé sous la torture, alors qu’un ou deux hommes célèbres ont avoué avoir flanché. On les voyait revenir de Ravensbrück, dans un état lamentable, si dignes. Il était impossible de leur dénier encore le droit de vote. Ce n’est pas de Gaulle qui le leur a donné. Ce sont les femmes qui l’ont glorieusement gagné.»
A la Libération, Gilberte Brossolette entreprend des émissions «féminines» à la radio et fait partie de l’Assemblée consultative provisoire. On projette sur elle « le respect qu’on avait pour Pierre.» Elle est élue à la deuxième Assemblée constituante. «Les socialistes m’avaient désignée comme candidate dans l’Aube où mon mari s’était investi avant guerre. Mais sur place, il y a eu des protestations : «Quoi ? Une Parisienne ? Et une femme en plus ?» Remarquez, ils n’avaient pas tort. Comme je ne sais pas distinguer le blé de l’orge ou de l’avoine, je n’aurais pas été à ma place !
Mais devant les réticences des socialistes à accepter des femmes – la veuve de Léo Lagrange avait aussi des problèmes – Léon Blum a écrit un article dans Le Populaire : «Il y a des femmes d’élite qu’il faut savoir choisir.» Je n’étais pas déchaînée. Le milieu politique n’est pas attrayant quand on le connaît. Mais il me paraissait normal, naturel, légitime, que des femmes s’engagent.»
L’hiver 1946, Gilberte Brossolette fera partie des 21 femmes membres d’un nouveau Sénat comportant 319 élus, et sera «bombardée» vice-présidente. «J’ai adoré présider les séances. Vous savez que c’est très amusant ! Comme un petit théâtre ! Je disais : «Monsieur le garde des sceaux vous avez la parole» ; ou bien : «Monsieur le ministre, vous vous trompez complètement.» Je me souviens avoir un jour pressé de conclure une communiste qui n’en finissait pas. Elle s’est tournée vers moi, furibonde : «Espèce de pionne, vous allez me laisser continuer ?» J’ai eu un mal fou à ne pas éclater de rire. Le ton habituel était cependant courtois. Je faisais notamment partie de la commission des affaires étrangères et j’avais une certaine autorité. Ma tenue ? Le noir, la plupart du temps.»
Gilberte Brossolette quittera le Sénat et son parti en 1958, après son deuxième mandat, et retournera à la radio jusqu’à mai 68. « Je trouve que les femmes n’ont pas assez profité des pouvoirs dont elles pouvaient se saisir. Elles auraient dû s’introduire plus massivement dans les partis, dans les journaux. Je sais que c’était difficile. La religion, la tradition, les réticences masculines sont des freins permanents. Mais tout de même !
Elles peuvent apporter tellement. Et différemment. C’est par les conseils municipaux qu’il faut commencer. Sans trop d’illusion, mais c’est la première phase. Alors qu’elles y aillent ! Avec de la santé, de la volonté pour résister aux conformismes ; et bien sûr du courage. Mais de ça, les femmes ne manquent pas.»
Elle meurt à Recloses, le à 98 ans.
Le 10 octobre 2019, la Maire de Paris Anne Hidalgo a confirmé l’attribution du nom de Gilberte Brossolette à une section de la promenade Pereire, entre la place du Maréchal Juin et la rue Bayen (17e). L’hommage devra avoir lieu en 2020.
Décorations
Chevalier de la Légion d’honneur
Médaille de la Résistance
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