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Message de François Fillon, ancien Premier Ministre

 

Mesdames et messieurs,

 

Je ne puis être aujourd’hui parmi vous, mais je sais et Je soutiens votre démarche en faveur de Pierre Brossolette que vous souhaitez voir entrer au Panthéon.

Sa vie de combat le mérite et les temps incertains et désenchantés que nous vivons justifient de célébrer ces hommes et ces femmes à qui nous devons notre liberté et notre honneur.

Souvenons-nous.

Dans ces années 1940, au milieu des ruines, la France est à tertre, défaite, trompée par un gouvernement qui pactise, terrorisée par l’occupant nazi qui partout resserre ses chaînes. Tout en apparence semble perdu. Et pourtant, dans ce néant de tristesse, de peur, de mensonges, des êtres se lèvent et disent « non ».

Ils sont de gauche, ils sont de droite, certains sont croyants, d’autres ne le sont pas. Qu’importe, ils sont tous patriotes, unis pour la liberté et l’indépendance nationale. Répondant à l’Appel du général de Gaulle, certains rejoignent Londres et s’engagements dans les Forces Françaises Libres. D’autres s’engagent dans l’armée des ombres.

Les résistants n’étaient qu’une poignée, une poignée seulement, et plusieurs d’entre eux mériteraient sans doute de reposer au Panthéon. Mais comment ne pas être touche par le parcours de Brossolette ? Comment ne pas être sensible à la rectitude de ses valeurs républicaines ?

A l’homme d’action énergique et si vaillant qui organisa la Résistance de la zone occupée, s’ajoute naturellement son sacrifice ultime.  La défenestration plutôt que le risque de craquer sous la torture.

Cette fin brutale confère au personnage de Brossolette un rayonnement tragique. Elle signe sa force d’âme et en dit long sur l’esprit de résistance.

Résister, c’était d’avoir tranché une question suprême : faut-il continuer de vivre même enchaîné ou faut-il prendre le risque de mourir pour la liberté ? Cette question douloureuse reste, pour moi, 69 ans après le saut dans le vide de Brossolette, fondamentale.

Qu’aurais-je fait en en 1940 ? Chacun doit se poser la question avec lucidité car le jour où elle ne tourmentera plus nos esprits, alors le sens profond de la résistance s’éteindra.

Pierre Brossolette au Panthéon, c’est une façon de ne pas oublier, de ne rien oublier. C’est une façon de nous mesurer au sacrifice de nos héros et de leur dire « merci ». « Sacrifice », « héros », ces termes ne doivent pas s’effacer de notre imaginaire collectif au profit d’une vision feutrée de l’histoire.

Nous savons les relations franches et admiratives que Brossolette entretenait avec le Généra de Gaulle. Avec Jean Moulin, elles furent, nous dit-on, orageuses. La résistance avait ses failles et je la prends comme un bloc avec ses doutes et ses antagonismes.

Peu à peu, les acteurs de la résistance disparaissent et voici que surgissent les risques de l’oubli. Certains parmi nos jeunes confondent De Gaulle et Pétain ; sur les réseaux sociaux, les thèses xénophobes pullulent ; le prix de la paix européenne se banalise sous le poids de la crise économique ; l’insouciance de notre époque nous éloigne de ceux qui choisirent la lutte plutôt que la servitude.

Bientôt les soldats de l’ombre ne vivront plus qu’à travers nous. Il faut se souvenir de leurs heures de combat et il faut méditer les mots de Pierre Brossolette prononcés à la BBC en 1942.

« Parmi vous, sans que vous le sachiez toujours, luttent et meurent des hommes — mes frères d’armes (…) Tués, blessés, fusillés, arrêtés, torturés, (…) combattants d’autant plus émouvants qu’ils n’ont point d’uniformes ni d’étendards, régiment sans drapeau dont les sacrifices et les batailles ne s’inscriront point en lettres d’or dans le frémissement de la soie mais seulement dans la mémoire fraternelle et déchirée de ceux qui survivront; saluez-les».

François FILLON