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Les enfants de Pierre Brossolette témoignent – Les passagers de la Lune

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Le téléfilm “Pierre Brossolette, les passagers de la lune” de Coline Serreau retrace la trajectoire de ce journaliste singulier. Ses enfants, la réalisatrice et l’acteur principal apportent leur éclairage.

Pierre Brossolette et ses enfants (Famille Brossolette)

Réactions des enfants Brossolette

Après la projection du téléfilm consacré à leur père, alors que le générique défile et que la lumière se rallume, les deux enfants de Pierre Brossolette, Anne et Claude, 88 et 87 ans, se tournent vers les acteurs, leur “père et mère” dans le film. “Tout est très réaliste. Pas contestable !” déclare Claude. Les regards sont humides. L’émotion est palpable. “Très émouvant. Toute cette affaire est profondément tragique. Je crois que l’on ne pouvait pas faire mieux. Le public va être impressionné.”

La défenestration du grand résistant

“La scène du suicide. L’imaginer on l’a fait des milliers de fois, expliquent les enfants du résistant. On est blindés depuis soixante dix-ans. Mais le voir, c’est dur.” Pierre Brossolette arrêté, torturé, laissé seul et menotté dans le dos dans une chambre de bonne au cinquième étage de l’immeuble des SS, avenue Foch, parvient à atteindre une fenêtre et à se jeter dans le vide. Il tombe d’abord sur un balcon et se lance à nouveau pour finir sur le trottoir. “On a vécu bien sûr. On ne peut pas faire autrement que d’aller de l’avant. Mais c’est toujours là. Aujourd’hui, il apparaît comme si c’était quelqu’un d’autre.”

L’oubli de Pierre Brossolette

“A la Libération, il y avait un trio de résistants : D’Estienne d’Orves, officier de marine, Gabriel Péri, député communiste, tous les deux fusillés en 1941, et Pierre Brossolette, explique Claude, son fils. Après la guerre, de la même manière que les déportés n’ont pas voulu parler des camps, on a voulu oublier le passé. On voulait essayer de recommencer à vivre. En 1958, quand de Gaulle revient au pouvoir, il fallait cultiver le mythe de la Résistance, chercher un personnage. On a choisi Jean Moulin. On l’a panthéonisé, canonisé comme un saint. Mon père gênait un peu. Mais je me disais qu’un jour les historiens reviendraient sur sa personnalité.”

Que serait-t-il devenu après la guerre ?

“Georges Bidault, ministre des Affaires étrangères dans le premier gouvernement du général de Gaulle en 1944, était venu voir ma mère en disant si « Pierre avait été là c’est lui qui serait à ma place » ”, raconte Anne, la fille aînée. “Il aurait rejoint sans doute le parti socialiste. De Gaulle n’aurait pas voulu de lui dans son gouvernement. Le général disait de lui : ‘Il va plus vite que moi’ ”, ajoute le frère.

La perquisition et la réaction de la fille

La perquisition a eu lieu rue de Grenelle, au domicile de la famille. “En mai 1942, j’avais 14 ans, raconte Anne, c’était un après-midi, vers trois heures. On sonne. J’ouvre. Trois Français en civil, se disant de la police de l’Etat français de Vichy, et un sous-officier allemand me disent : “Nous venons perquisitionner. Où sont vos parents ?” – “Écoutez messieurs… mon père a quitté ma mère il y a deux mois pour une femme au nez retroussé.” Le téléfilm reprend cette anecdote. Devant les policiers, l’adolescente invente une histoire suggérée par Pierre Brossolette quelques jours plus tôt : son père est parti avec une fille blonde du nom de Hilda. Petite entorse à l’histoire réelle. La jeune fille dit qu’elle a vu son père embrasser une femme au bas de l’immeuble. “Mon père n’aurait pas été assez bête pour embrasser sa maîtresse au pied de l’immeuble”, rétorque Anne.

L’arrestation du fils

“A la suite de cette perquisition, mon frère s’est fait arrêté, raconte encore Anne, parce qu’il avait dans sa chambre une carte du monde, avec le cœur percé, bleu blanc rouge, et plein d’autres petits signes qui montraient sa sympathie pour les Alliés. Il est resté deux jours et deux nuits à la police puis aux mains des Allemands. Il a été relâché le troisième jour, alors que ma mère s’était rendue dans l’antre même de la Wehrmacht. Ma mère avait prévenu la Résistance et mon père l’a su très vite. Il a alors décidé de revenir en France : il ne pouvait pas supporter que son fils se fasse arrêter à sa place.” Quand on aborde ce point, l’homme âgé d’aujourd’hui sourit et l’évoque avec une certaine fierté. Son père l’avait félicité. Mais le retour en France de Pierre Brossolette était motivé, entre autres, pour organiser le départ et l’installation de sa famille à Londres. “Le général de Gaulle et le colonel Passy ne veulent pas que les enfants Brossolette restent en France”, avait-il expliqué.

L’annonce de la mort aux enfants

Pierre Brossolette se suicide le 22 mars 1944 à Paris. Sa famille restée à Londres n’apprend pas tout de suite la nouvelle. Gilberte Brossolette, sa femme, veut préserver ses enfants. Anne et Claude sont reçus par le général de Gaulle. Mais promesse est faite à la mère de ne pas annoncer la mort du père. Le général tiendra son engagement. Il accueillera les deux enfants et emploiera “un futur qui était un conditionnel. Il nous a dit qu’on aurait besoin de notre père plus tard. Mais on se doutait déjà de sa mort.”

La réaction de la réalisatrice

“J’ai voulu faire un film très politique pour montrer toute la complexité de la Résistance. Une tragédie mise dans un contexte au delà des conflits. On parle beaucoup de la polémique avec Jean Moulin. Mais en fait Pierre Brossolette et lui étaient très proches. Et ce n’est pas le centre du film. Il a été tellement démoli par l’oubli. C’est bien aujourd’hui d’avoir la capacité d’admirer quelqu’un. A la sortie de la guerre, il y avait 400 rues à son nom. L’admiration, c’est peut-être ringard à notre époque, mais j’assume”, déclare Coline Serreau.

La réaction du comédien

Julien Baumgartner, qui interprète magistralement l’homme chargé de réunir les réseaux de Résistance, est visiblement ému. Celui qui a porté les mots du résistant, confie en aparté : “Je ne sais pas quoi leur dire”, en parlant des enfants Brossolette. Il dit que l’énergie qu’il insuffle dans ce téléfilm “c’est l’énergie de Coline. Elle donne une respiration, une urgence”.

“Pierre Brossolette, les passagers de la lune”, de Coline Serreau